- Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre des mesures concernant la branche famille décidées pour 2015 et notamment la modulation du montant des allocations familiales ?
Cette question appelle deux observations :
- La première, au plan de la politique générale
La politique familiale est considérée, à juste titre, comme l’une des plus grandes réussites de notre Etat providence. Au fil des ans, c’est pourtant le volet de notre protection sociale qui a été le plus radicalement remis en cause dans son ampleur comme dans ses principes. Sur les 85 milliards d’euros versés en 2014 par la Branche Famille, seulement un peu plus de 56 milliards sont affectés à la famille, le surplus à la précarité.
L’année 2015 a été particulièrement noire pour la politique familiale française :
- Modulation des allocations familiales, qui même si elles sont toujours versées à toutes les familles avec au moins deux enfants, a fortement modifié l’équilibre entre les prestations garantes de l’équité horizontale et les prestations garantes de l’équité verticale. Dorénavant, quasiment aucune prestation familiale n’est indépendante du revenu (c’est encore le cas de la PreParE et du CLCA) ;
- Modification du congé parental avec une partie obligatoirement réservée au deuxième parent. Cette mesure a fait suite à l’uniformisation du complément libre choix d’activité prévue par le PLFSS 2014 et survenue au 1er avril 2014 qui a eu pour conséquence de diminuer le montant de cette prestation et donc de dissuader les parents qui souhaitaient recourir au congé parental ;
- Diminution de l’aide à la garde d’enfants (CMG) via l’instauration d’un quatrième plafond de ressources rendant encore plus progressive cette prestation visant pourtant la conciliation des temps de vie professionnelle et vie personnelle ;
- Diminution du FNAS suite à son rebasage qui met en péril les objectifs de la COG ;
- Baisse des cotisations familiales, conséquence du Pacte de responsabilité qui, bien qu’elle soit compensée, remet en cause la philosophie et la structure du financement de la branche Famille.
En 2015, ce sont donc pas moins de trois des principes fondamentaux de la branche Famille qui ont été attaqués : la redistribution entre les ménages sans enfant et ceux avec enfants, la conciliation des temps de vie personnelle et vie professionnelle qui favorise le travail des femmes et le financement patronal de la politique familiale. Sans compter que ces mesures ont principalement impacté les familles de la classe moyenne.
- La seconde, au plan de la rigueur et de la cohérence
Bien que constituant l’une des hypothèses du Haut Conseil de la Famille dans le cadre de ses réflexions sur l’évolution de la politique familiale, cette réforme majeure avait été écartée au moment de l’examen du cadrage de la COG de la Branche Famille avec les partenaires sociaux.
C’est pour cette raison, parmi d’autres, que la CFE-CGC avait donné un avis favorable pour sa signature.
Or, non seulement cette modulation a été mise en place, mais, de surcroit, au prix de nouvelles complexifications du système, en total contradiction avec les engagements de simplifications pris dans la COG.
Les conclusions du rapport conjoint établi par l’IGAS et l’IGF suite à l’audit réalisé en juillet 2015 sur les moyens de la branche sont, à ce point de vue, très explicites.
- Quelles doivent être les axes prioritaires d’intervention au titre du FNAS
La COG 2013-2017 affiche un objectif d’augmentation du Fonds National d’Action Sociale de 7,5 % par an soit une dépense annuelle de 6,6 milliards d’euros en 2017 ciblée dans les domaines de la petite enfance (augmentation significative des structures d’accueil du jeune enfant et développement des relais assistant maternel), du soutien à la parentalité, des loisirs des jeunes de 6 à 18 ans et de l’accès aux droits.
Ces ambitions constituaient l’une des raisons qui avait aussi amené la CFE-CGC à donner un avis favorable sur la signature de la COG dans la mesure où les actions prioritaires ainsi définies contribuaient à concilier la vie familiale et la vie professionnelle des familles, l’un des axes de la politique familiale soutenue par la Confédération.
Le bilan à mi-parcours dressé par la CNAF lors de sa conférence de presse de septembre dernier se veut très optimiste sur l’atteinte de ces objectifs.
Mais, il est de fait que le « rebasage » budgétaire annoncé en 2014 a constitué un frein à leur mise en œuvre.
Il semble, par ailleurs, qu’il y ait une distorsion entre ces conclusions et la première partie du bilan publiée de son côté par le Haut Conseil de la Famille dans son rapport sur l’ « Accueil des enfants de moins 3 ans » lequel dénonce la faible création de crèches en 2014.
Si le critère du nombre d’heures de garde, fixé par la COG pour apprécier l’atteinte des objectifs d’accueil, ne rend pas bien compte de l’optimisation des modes de garde et de leur progression, il convient de s’interroger sur l’opportunité d’adapter ce critère.
Conjuguée à la baisse de moyens budgétaires cette problématique ferait perdre toute consistance à des ambitions légitimes et partagées.
- Quelles sont, selon vous, les conséquences de la diminution tendancielle de la part des recettes de la CNAF assise sur les salaires ? Comment éviter qu’elle ne fragilise à terme la politique familiale ?
A l’origine, la politique familiale française était entièrement financée par les employeurs puisque les prestations familiales étaient versées sous une double condition : être en activité et avoir des enfants à charge. Si les prestations familiales sont peu à peu devenues universelles puisque la seule condition d’avoir des enfants à charge suffisait, son financement s’est également élargi à d’autres sources notamment des taxes.
Seulement, comme le note le rapport de la MECSS de mai 2014, depuis 2010 le rythme de croissance des recettes de la branche Famille décroit. Les réformes successives ont conduit à la fois à une augmentation de la part des impôts et taxes affectées qui est passée de 0.8% des recettes de la branche Famille en 2005 à 6.6% en 2006 et 12.1% en 2013 mais aussi à une fragilisation des recettes de la branche Famille.
Outre l’aspect historique, le fait que les recettes de la branche Famille dépendent de moins en moins de la masse salariale pose plusieurs problèmes et notamment la pérennité des recettes. En effet, cette pérennité est affectée à la fois par une compensation par le budget de l’Etat fluctuante d’année en année et par le dynamisme inégale entre les recettes fiscales et les cotisations familiales.
Enfin, lorsque l’on étudie le panier de taxes et d’impôts redirigé vers la branche Famille, on se rend compte que ce financement ne répond à aucune logique, contrairement au financement par les cotisations. Ainsi, d’après le rapport de la MECSS déjà cité, les taxes affectées entre 2006 et 2013 à la branche Famille sont issues de l’industrie pharmaceutique, des contrats de santé ou encore des droits sur les tabacs et alcools. Plus ironique, une partie de la taxe sur les salaires revient à la branche Famille … pour compenser la diminution des cotisations familiales assises sur les salaires !
- Sous quelles conditions les objectifs fixés par la COG en matière de développement des solutions d’accueil vous paraissent-ils susceptibles d’être atteints : places en EAJE, préscolarisation, développement des métiers de l’accueil, formation et renouvellement des assistants maternels… ?
Les éléments à prendre en compte pour promouvoir le développement de l’accueil des jeunes enfants sont de différentes natures : sociétaux, économiques, géographiques, pédagogiques, budgétaires et partenariaux.
La mise en place des « schémas territoriaux des services aux familles » est à ce point de vue un vecteur précieux en termes d’identification par la branche des besoins spécifiques des familles dans ce domaine selon les régions et les priorités.
Cette approche multi partenariale est de nature à permettre de dégager les axes à privilégier pour promouvoir le développement des solutions d’accueil en correspondance avec les besoins : inexistence de structure d’accueil ou insuffisance de places, insuffisance de personnels dans des structures existantes, de formation de ces personnels, d’aides financières en direction de ces structures d’accueil (en investissement ou en fonctionnement).
En ce qui concerne les aides individuelles en direction des familles, elles doivent être suffisantes pour inciter à l’exercice d’un emploi selon le choix (temps plein ou partiel, horaires ou jours décalés…), équitables selon les modes de garde (structure d’accueil collective ou assistant maternel), et justes sans exclure les classes moyennes.
- Quelles solutions apporter aux difficultés d’organisation ou de gestion que peuvent rencontrer certaines CAF ?
Une demande de moyens supplémentaire pérennes a été faite par la CNAF auprès du Ministère des affaires sociales pour faire face au surcroit de travail des CAF. Cette demande est justifiée par des chiffres qui correspondent aux charges réelles des CAF et appréciées selon des données objectives. De plus, cette demande tient compte des gains espérés sur les mesures d’efficience prévues dans les mesures gouvernementales.
La CFE-CGC s’associe, par conséquent, à ces demandes de moyens supplémentaires tout en souscrivant à la nécessité d’accélérer les mesures de simplification.